Textes / Horizon d’attente

L’oeuvre de Jean-Remy Papleux s’inscrit dans une histoire classique du modèle en peinture : la frontalité, les modèles féminins, le traitement de la lumière et le choix des fonds monochromes sont autant d’horizons premiers de l’expérience esthétique proposée.

En ce qui concerne les contours et le traitement de la lumière, les références picturales classiques sont d’emblée convoquées. Du célèbre « sfumato » de L.de Vinci au non moins célèbres tableaux de G. Richter, le traitement des figures et des silhouettes s’inscrit dans une histoire désormais classique de la figure entre image fixe et image mouvement.

Toutefois, ce qu’il est intéressant de noter ce sont toutes les variations, les corrections qui en modifient le genre et proposent de nouvelles frontières. Jean-Remy Papleux ne se contente pas d’être peintre de manière classique : il travaille avec les outils de son temps et permet à la figure des perspectives d’existence hors champ.

Les vidéos présentées sur les moniteurs sont des tableaux écrans à l’aulne de ceux peints sur châssis. Les personnages sur la toile, sont les indices d’un monde vécu, ils sont comme des arrêts sur image, des figures captées dans la vitesse du présent. Chaque composition expose la figure dans un triple horizon du vécu (1).

Le temps phénoménologique et la conscience intime du temps sont révélés par une image traitée en peinture comme des séquences photographiques ou vidéographiques. S’élabore ainsi une terminologie picturale centrée sur la question de notre perception du temps. Chaque silhouette semble emblématique de cette distension de l’âme entre le présent du passé (la mémoire), le présent du présent (l’attention), et le présent du futur (l’attente) (2).

La figure est le sujet central du tableau : elle est à la fois sujet psychologique, indice de notre réalité – chaque tableau porte le prénom du modèle – mais surtout indice de notre rapport au temps, sujet métaphysique. Jean-Remy Papleux pose différemment le statut de l’image en peinture. Chaque image est un nouvel horizon. La silhouette sur fond d’un monochrome presque neutre confère un rapport a la fois singulier et universel au présent. Dans son rapport à l’image de notre horizon contemporain, cette peinture se révèle être à la fois une attention au temps et un temps de l’attention.

Cécile Marie
art@contemporain.net
wvvw.contemporain.net
Cécile Marie est critique d’art, membre de l’AICA. En tant que commissaire d’exposition, elle a montré pour la première fois l’oeuvre de Jean Remy Papleux a Paris en 2004 dans l’exposition « Sur le Front », avec des oeuvres de Marc Chevalier, Mounir Fatmi, Luc Leotoing, Florent Mattei, Audrey Nervy, Eric Tabucchi, Cedric Teisseire…

(notes)
1: Husserl, Idées directrices pour une phénoménologie, § 82, ed. Gallimard, coll. Tel, traduction Paul Ricoeur, p. 277-282
2: Saint Augustin, Les confessions, livre XI.

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