Textes / D’un Héroïsme du quotidien

Des constantes s’élaborent dans le travail de Jean-Rémy Papleux comme autant de trajectoires à suivre. D’abord, Il y a cet incessant va-et-vient entre la photographie et la peinture, le dessin. Les poses sont les mêmes ; Les attitudes, les regards d’adolescentes, de jeunes femmes interpellent non sans une certaine détresse. Des portraits d’individus solitaires sur une scène vide, ou presque — mais pleine de lumière. Puis, presque dans un même élan, la vidéo et ses ralentis et ses saturations de lumière, comme d’infinies successions de portraits mouvants, vidéo qui elle, appelle inévitablement la musique. Dès lors, le registre est riche, l’enjeu est profond, le risque permanent. Lumières et harmonies sont conviées pour une joute tragique.

Qui sont ces jeunes personnages, ces modèles, ces adolescentes à la recherche d’un destin ? « Je me sers de mon entourage comme modèles : amies, connaissances. » dit Jean-Rémy Papleux. La quête est ici plus philosophique que psychologique, plus métaphysique que narrative. Cette quête va bien au-delà d’une succession d’histoires personnelles, de souffrances individuelles pour nous apostropher avec force sur une forme d’héroïsme au quotidien : celui de jeunes gens faisant face à leur destin, un destin fuyant ou plutôt une tragédie au quotidien par laquelle les questions les plus fondamentales de la vie (Dieu, le devenir, leur séparation, leur cessation) sont dès lors posées par la figure dévoilée, sans le masque des stéréotypes contemporains. On pense à Zarathoustra, qui interpelle ses contemporains, les humains du présent : « Franchement, vous ne pourriez pas porter de meilleurs masques que vos propres visages… »

« Mon travail de peinture implique la contrainte de critères formels dont principalement celui de la lumière », dit encore Jean-Rémy Papleux. Il est intéressant de noter que chez les tragiques, les Grec de l’époque hellénique, dîos ne signifie plus désormais que « divin », comme un « attribut de Zeus », pour tranquillement dériver vers sa forme Judéo-Chrétienne du « Dieu Créateur ». Mais à l’époque homérique dîos signifie tout d’abord « clair, resplendissant », puis « glorieux ». Quand l’épithète dîos est attribué aux personnages homériques, le mot n’indique pas en premier lieu ce divin qui est en eux, mais la clarté, la splendeur qui les accompagne et contre laquelle ils se découpent. Il n’en va pas autrement des personnages de Jean-Rémy Papleux, de ces figures qui se découpent non pas d’une clarté, d’une splendeur, mais d’une lumière froide, un ciel indifférencié, un abysse de lumière. Heureux et malheureux, ses personnages solitaires sont comme autant d’étendards bigarrés d’une nécessité labyrinthique. Ils se contentent de leur splendeur dans un héroïsme quotidien.

Christian Globensky
Artiste et Professeur à l’École Supérieure d’Arts de Metz (l’Ésam)
Auteur de « Zarathoustra-Bouddha, vers un lexique commun », Paris, l’Harmattan, 2004
www.altermondialisation-equitable.com

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